LE XVIIÈME SIÈCLE
Le siècle d'or des corsaires basques
Le XVIIème siècle fut le siècle d'or des corsaires basques. Les corsaires prirent une telle importance que ce fut au cours de ce siècle qu'un Décret Royal de 1621 établit les Ordonnances Royales des Corsaires en tant que Loi Générale, qui recueillaient les normes à observer à cet égard.Au cours de ce siècle, la province de Gipuzkoa est la zone corsaire par excellence du Pays Basque et, selon Otero Lana, de toute la péninsule.
Bilbao commence à contrôler le commerce en créant son Consulat, raison pour laquelle tout le commerce basque se concentre dans cette ville. La dynamisme économique de Bilbao déplace Donostia-Saint Sébastien comme port commercial, car cette dernière ne fonde son propre Consulat qu'en 1682 afin de revitaliser son commerce. Le déclin du commerce et le besoin de ressources font de Donostia-Saint Sébastien le principal port corsaire de la péninsule. C'est dans cette situation que se forment à Donostia-Saint Sébastien deux groupes opposés: les armateurs des navires corsaires et les commerçants, qui estimaient que les corsaires constituaient un obstacle car ils effrayaient les navires marchands. De 1622 à 1697, selon Enrique Otero, il y avait dans notre ville cent quarante et un armateurs avec les lettres de marque correspondantes, et deux-cant soixante et un navires corsaires. Certains étaient étrangers, surtout basco-français, bretons et irlandais.
Hondarribia fut le second port péninsulaire, suivi de Pasaia et, très loin derrière, Orio, Zarautz et Getaria.
Cette expansion des corsaires fit s'élargir à leur tour les théâtres d'opérations. Les lieux traditionnels, tels que la côte basque et les Indes, furent toujours considérés comme tels, mais les eaux de l'Europe du Nord (la France, l'Angleterre, la Hollande et l'Irlande) s'élargirent vers le Nord, et d'autres, comme celles de Terreneuve, furent abandonnées.
77. Image d'un port basque. XVIIème siècle
© Joseba Urretabizkaia
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78. Blason du Consulat de Saint Sébastien.
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Terreneuve et les mers du Nord
Nous avons déjà dit que vers la fin du XVIème siècle, la pêche en Terreneuve avit initié son dáclin pour des motifs politiques. A cela il fallait ajouter l'épuisement des pêcheries de baleines de cette immense baie, qui allait se faire plus évident tout au long du XVIIème siècle, à cause de la diminution du nombre de baleines, de leur fuite devant la persécution des hommes ou d'une émigration dûe au changement de la température des eaux.C'est ainsi que les Basques abandonnèrent progressivement ces terres, bien qu'il existe encore des témoignages de leur présence en Terreneuve pendant la première décennie et même au milieu de ce siècle. Les baleines existaient aussi sur les côtes basques, bien qu'en régression à partir du XIVème siècle.
Néanmoins ce ne constitua pas un obstacle pour renoncer à la chasse à la baleine; ils se déplacèrent pour aller chasser vers les mers du Nord. En 1612 Juan de Herauso, de Saint Sébastien, partit sur son bateau vers la terre de "Groillandt, qui est plus septentrionale que la Norvège et qui pouvait devenir un lieu de pêche plus abondant". La campagne fut bonne et quand ils rentrèrent, d'autres vaisseaux, jusqu'à douze au total, se décidèrent à partir vers le même point une année plus tard. A peine arrivés sur cette côte, deux galions de guerre anglais, se prévalant des lettres de marque du Roi d'Angleterre, les dévalisèrent au fur et à mesure qu'ils arrivaient et les obligèrent à pêcher pour eux.
Quelques années plus tard, les Basques allaient être appelés par les Anglais pour chasser la baleine dans l'Arctique, car ils étaient habiles " à manier le harpon". Les Anglais se chargeaient des fours et des barriques. A bord des nefs anglaises, vingt-quatre Basques s'embarquèrent sous les ordres de Baffin en direction de Spitzbergen. Dorénavant, les témoignages sur les décès des marins basques au cap Nord, au Nord de l'Islande et dans la Mer de Norvège seront nombreux.
79. Côte du Gipuzkoa.
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80. Hondarribia fut le second port de corsaires plus important de la péninsule au XVIIème siècle.
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Les côtes basques
Le danger étranger
Sur nos côtes, les Basques se livrèrent de façon remarquable aux équipées corsaires, mais ils en souffrirent aussi.Les corsaires hollandais effectuèrent leurs incursions sur les côtes basques jusqu'au point d'utiliser quelques ports basques comme repaires particulières qui leur servaient de vigies.
La crainte des invasions étrangères était fréquente. C'est ainsi que la peur d'une invasion de Donostia-Saint Sébastien de la part des anglais s'accrut en 1626. On ordonna donc fermer avec une chaîne l'embouchure de la rivière Urumea à la hauteur du pont de Santa Catalina et installer une digue en bois depuis la Porte de Terre jusqu'aux bancs de sable. Cependant, il en fut tout autrement.
Les plus actifs en ce sens furent les pirates de La Rochelle, qui vers la fin du XVIème siècle avaient déjà attaqué les habitants du Gipuzkoa.
En 1621, ces derniers envoyèrent un message aux députés de Saint Jean de Luz, et l'année suivante à ceux de Ciboure, pour leur demander des armes et un refuge contre les Rochelais, qui attaquaient les côtes basques presque tous les hivers en leur causant des dégâts. Afin de repousser les dures attaques de ces pirates, les corsaires de Saint Jean de Luz, avec la permission de leur Roi, organisèrent des expéditions de châtiement contre le port de La Rochelle.
De toutes façons, les nôtres ne furent pas toujours lésés, puisque pendant ces années-là, selon Camino, les corsaires de Saint Sébastien parvinrent à saisir aux Rochelais et aux Hollandais cent-vingt navires chargés de marchandises.
81. Gravure de De Bry de 1601, qui représente un navire entouré de glaces.
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82. Carte de Spitzbergen. Les marins basques étaient engagés par les anglais pour chasser la baleine dans l'Arctique. © Joseba Urretabizkaia
Les marins du Gipuzkoa à Bilbao
Afin de s'emparer de ces butins, les corsaires du Gipuzkoa et de Biscaye fréquentaient le port de Bilbao, habituellement rempli de vaisseaux à cause de l'essor commercial de cette ville. Ils se situaient à l'entrée de l'estuaire, où ils guetteaient les bonnes proies anglaises et hollandaises, qu'ils abordaient.Le plus fameux fut le capitaine de Saint Sébastien Agustin de Arizabalo, qui se plaçait juste à l'embouchure du port de Bilbao et qui en 1658 se saisissait de toute nef en provenance du nord de l'Europe: navires marchands français, hollandais et portugais.
Cette attitude des marins du Gipuzkoa d'attaquer les vaisseaux étrangers à l'estuaire de Bilbao eut sa réponse dans les plaintes qui, timides au début et sous la pression des Pays Bas, furent déposées par le Consulat de Bilbao, qui était dans son droit, puisque ces marins du Gipuzkoa agissaient comme de vrais pirates et pénétraient dans les ports de Biscaye comme chez eux, pour spolier impunément les étrangers.
83. Gravure du port de La Rochelle.
© Joseba Urretabizkaia
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84. Carte portuaire de Saint Sébastien. A gauche, le pont de Santa Catalina.
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Tentatives de défense
A partir de 1688, les frégates légères françaises, anciens baleiniers qui avaient été armés pour l'occasion, semaient la terreur sur les côtes de l'Atlantique. Ces frégates se firent surtout remarquer lorsque les combats entre Louis XIV, roi de France, et les alliés européens de la Ligue d'Augsbourg, parmi lesquels se trouvait l'Espagne, reprirent de plus belle. Quelques-unes de ces frégates se livrèrent aux pillages corsaires sur les côtes basques, ce qui fit intervenir le Consulat de Bilbao et les commerçants de Saint Sébastien.En 1691, le Consulat de Bilbao frêta deux frégates pour surveiller leur zone, et arrivèrent ainsi à mettre en déroute une flotte entière de corsaires français. Les commerçants de Donostia-Saint Sébastien, afin d'assurer la sécurité de ses côtes, firent construire en 1690 une frégate dont le commandement fut confié à Pedro de Ezabal, de Saint Sébastien, qui profita de ses lettres de marque pour s'emparer de plusieurs redoutables vaisseaux français qui pullulaient dans nos eaux.
85. Gravure de Bilbao. © Joseba Urretabizkaia
86. En 1690, l'on construisit une frégate pour faire la course et pour défendre la côte de Saint Sébastien des attaques françaises.
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Les instructions du Roi concernant cette frégate étaient les suivantes:
"Les hommes d'affaires de cette Ville ont construit une frégate de guerre de trois-cents tonnes, avec quarante-deux pièces d'artillerie, appelée "Nuestra Señora del Rosario", pour piller sous le couvert des lettres de marque et pour préserver ces côtes des invasions françaises; et ayant pris la mer à cet effet, en vertu de la lettre de marque de Sa Majesté, équipée par des hommes de ce pays, elle s'est emparée d'un grand nombre de navires français pour les amener vers le port de la ville d'où elle était partie; elle a combattu avec un tel courage et si bonne fortune qu'elle a semé la terreur et a mis en fuite les Français hors de ces côtes qu'ils avaient envahies jusqu'au point de fermer ses ports et de se situer juste en dessous de l'artillerie de la forteresse de la Mota..."
Les autotités se rendirent vite compte des avantages qu'elles pouvaient obtenir si elles stimulaient les énergies des marins basques, dont elles favorisaient les expéditions pour les attirer sous leur contrôle.
La paix de Ryswick, signée en 1697, mit fin à la guerre entre le Roi Soleil et la Ligue d'Augsbourg.
"Les hommes d'affaires de cette Ville ont construit une frégate de guerre de trois-cents tonnes, avec quarante-deux pièces d'artillerie, appelée "Nuestra Señora del Rosario", pour piller sous le couvert des lettres de marque et pour préserver ces côtes des invasions françaises; et ayant pris la mer à cet effet, en vertu de la lettre de marque de Sa Majesté, équipée par des hommes de ce pays, elle s'est emparée d'un grand nombre de navires français pour les amener vers le port de la ville d'où elle était partie; elle a combattu avec un tel courage et si bonne fortune qu'elle a semé la terreur et a mis en fuite les Français hors de ces côtes qu'ils avaient envahies jusqu'au point de fermer ses ports et de se situer juste en dessous de l'artillerie de la forteresse de la Mota..."
Les autotités se rendirent vite compte des avantages qu'elles pouvaient obtenir si elles stimulaient les énergies des marins basques, dont elles favorisaient les expéditions pour les attirer sous leur contrôle.
La paix de Ryswick, signée en 1697, mit fin à la guerre entre le Roi Soleil et la Ligue d'Augsbourg.
Joanes de Suhigaraychipi, "Le Coursic"
L'un de ces corsaires français qui attaquaient nos côtes était le bayonnais Joanes de Suhigaraychipi, plus connu comme "Le Coursic" (le petit corsaire), qui fut corsaire du roi et gagna des titres de noblesse pour ses exploits et les services rendus.Sa frégate, la "Légère", avait l'autorisation d'exercer comme corsaire contre les Espagnols et aussi contre les Hollandais. Son succès fut si grand que le gouverneur de Bayonne en personne finança la moitié de l'armement de sa frégate, qui était munie de vingt-quatre canons. L'opération s'avéra tellement fructueuse qu'il captura cent navires en moins de six ans. Avec le support de gens de la noblesse, sa frégate, qui était ancrée au port de Sokoa, devint bientôt la terreur des Anglais et des Hollandais.
L'une de ses plus grandes prouesses eut lieu en 1692 dans nos eaux, juste en face de la baie de Saint Sébastien. A la hauteur du port de San Antonio, en Biscaye, il découvrit deux vaisseaux hollandais qui se dirigeaient vers notre ville; il les atteignit en deux jours. Il s'approcha du premier, qui avait cinq-cents tonnes, trente-six canons et cent marins, et l'attaqua avec une première décharge. Il l'aborda deux fois malgré la différence entre les deux bateaux et, blessé, dut battre en retraite à cause du feu ennemi. Cela ne l'empêcha pas de continuer à haranguer ses marins basco-français. Ce furent cinq heures de combats sanglants, è tel point que seuls survécurent dix-huit marins hollandais. Le second vaisseau hollandais sombra aussi. Mais il n'y eut que cinq Basques morts sur le lieu de la tragédie.
87. L'horizon a toujours impliqué un défi aux marins. © Joseba Urretabizkaia
88. Joanes de Suhigaraychipi, "Le Coursic", fameux corsaire bayonnais. (Dessin de P. Tillac).
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Quelques jours plus tard, "le Coursic" reprit la mer. A peine était-il entré à l'embouchure de l'Adour qu'une corvette anglaise équipée de cent vingt hommes et soixante-quatre canons se lança contre lui. Le Bayonnais l'attaqua sans lui laisser à peine le temps de résister. Le combat commença à huit heures du matin et finit à trois heures de l'après-midi par la victoire du capitaine de "La Légère" et la capture de l'Anglais. Cette victoire, célébrée par le public entassé sur les deux rives de l'estuaire fut si retentissante que cela l'encouragea à donner des cours aux marins afin d'équiper d'autres nefs corsaires, pour les avoir tous sous son sontrôle et pour aller à la recherche de la nouvelle flotte espagnole qui se disposait à prendre la mer.
Dans le Golfe de Gascogne, il s'empara de quelques bateaux hollandais. Et en dehors de nos eaux, il faudrait mentionner son expédition à Spitzbergen, au Nord de l'Europe, contre les Hollandais, d'où il rentra chargé de baleines.
En six ans il captura à lui seul cent voiliers marchands, et en huit mois, avec le support des frégates du Roi, cent vingt-cinq. Il remplit le port de Saint Jean de Luz de ses butins à tel point que le gouverneur de Bayonne écrivait à Louis XIV: "Il est possible de traverser depuis la maison où votre Majesté aviez logé jusqu'à Ciboure sur un pont fait avec les navires pillés et attachés les uns aux autres". A sa prodigieuse audace, il ajoutait une loyauté digne d'un gentilhomme. Tout manquement à la parole donnée et toute trahison étaient impitoyablement châtiés.
Après plusieurs années il s'occupa à protéger contre les Anglais les retours des Basco-français et des Bretons de Terreneuve, où il mourut en 1694. Une inscription figure sur sa tombe: "Capitaine de frégate du Roi", le même qui l'autorisa à dévaliser plus de cent navires marchands. .
Dans le Golfe de Gascogne, il s'empara de quelques bateaux hollandais. Et en dehors de nos eaux, il faudrait mentionner son expédition à Spitzbergen, au Nord de l'Europe, contre les Hollandais, d'où il rentra chargé de baleines.
En six ans il captura à lui seul cent voiliers marchands, et en huit mois, avec le support des frégates du Roi, cent vingt-cinq. Il remplit le port de Saint Jean de Luz de ses butins à tel point que le gouverneur de Bayonne écrivait à Louis XIV: "Il est possible de traverser depuis la maison où votre Majesté aviez logé jusqu'à Ciboure sur un pont fait avec les navires pillés et attachés les uns aux autres". A sa prodigieuse audace, il ajoutait une loyauté digne d'un gentilhomme. Tout manquement à la parole donnée et toute trahison étaient impitoyablement châtiés.
Après plusieurs années il s'occupa à protéger contre les Anglais les retours des Basco-français et des Bretons de Terreneuve, où il mourut en 1694. Une inscription figure sur sa tombe: "Capitaine de frégate du Roi", le même qui l'autorisa à dévaliser plus de cent navires marchands. .
89. Ciboure vue de Saint Jean de Luz.
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90. A Bayonne, l'on conserve encore la maison du "Coursic", dans la rue qui porte son nom.
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Les Corsaires en Europe
Un villageois infortuné de Rentería
Nous avons déjà vu que l'autre grand théâtre d'opérations des corsaires basques, outre les côtes basques, était l'Europe du Nord.Plus précisément autour des années 1626 et 1627, six navires et treize pataches prirent part dans une opération pirate autour de l'Irlande et de l'Écosse; grâce au récit de J. César Santoyo, nous connaissons l'exploit du "San Jorge", commandé par Miguel de Noblecía, de Rentería, car les navires agissaient tout seuls. La première fois, l'expédition n'eut pas de succès, car dans le port irlandais de Barchavan, les marins de Saint Sébastien faillirent s'emparer de leur proie, mais ils eurent peur des Irlandais et s'en retournèrent. L'année suivante, le "San Jorge" reprenait la mer pour se rendre au même port irlandais, où il s'approvisionna "légalement". Il se dirigea ensuite vers la côte ouest de l'Irlande, en espérant que le hasard lui procurerait un butin, mais comme il n'aperçut aucun vaisseau, il dut partir le chercher au port. Il obligea trois commerçants irlandais à monter à bord et l'un d'eux partit pour payer la rançon des deux autres et pour apporter des provisions aux pirates. Mais un navire de guerre anglais coupa leur retraite et ils finirent en prison. .
91. L'auberge de Juana Larando.
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92. Épées à nacelle et à coquille des XVIème et XVIIème siècles.
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Juana Larando: une veuve corsaire de Saint Sébastien
Comme nous l'avons déjà vu, le rôle déterminant que jouait Donostia-Saint Sébastien comme port corsaire attira les armateurs professionels de toutes parts, ainsi que les marins des régions voisines du nord de la péninsule et de l'étranger, qui résidaient dans des auberges lorsqu'ils n'étaient pas embarqués.En 1630 Juana Larando, une veuve de Saint Sébastien, avait une auberge où elle logeait dix-huit aventuriers de diverses provenances, " à crédit jusqu'à ce qu'ils rentrent avec leur butin et que celui-ci leur soit distribué", selon un document des Archives du "Corregimiento" de Tolosa.
Les bénéfices qu'elle en tira furent investis dans l'achat d'une patache ou petite barque qu'elle appela le "San Juan", en association avec un ressortissant d'Orio et un autre de Saint Sébastien. Le champ d'opérations de la patache fut la côte française et "le canal d'Angleterre". Son capitaine fut Juan de Echániz.
Lors d'une des sorties de la patache, ils arrivèrent à se faire un butin de douze mille ducats. Au retour il y eut une mutinerie à bord; le "San Juan", inutilisé, fut abandonné à son sort. Ils s'emparèrent d'un meilleur navire, le "San Pedro", hollandais, et arrivèrent à Zumaya où il fut vendu pour la somme de onze mille cent cinquante-cinq réaux.
Le fait est que la distribution de cette somme fut à l'origine de tout un tumulte, car elle devait être aussi distribuée entre le curé de la paroisse d'Orio, qui avait dit des messes pour le succès de l'entreprise du "San Juan", l'interprète à qui l'on eut recours pendant le procès qui fut entamé pour cette distribution, les repas que l'on offrit aux prisonniers flamands avant de les délivrer sans leur bateau, et le prix de la chaloupe à bord de laquelle ces derniers rentrèrent chez eux. La distribution fut ainsi faite: la veuve Juana de Larando reçut trois mille six-cents neuf réaux; le capitaine Echániz, six-cents soixante-dix sept; l'interprète, cent réaux, et chaque corsaire n'eut que quatre-vingts six réaux, pourcentage assez exigu pour un butin si exceptionnel.
Le support du Roi
Cependant les corsaires n'agissaient pas toujours pour leur propre compte. Au cours de ce siècle, la Couronne aidait aussi les corsaires basques avec leurs lettres de marque ou le travail sur commande.En 1633 le roi ordonna "former une escadre de navires armés en corsaires contre les rebelles et ennemis de la Couronne royale", dont devaient faire partie tous les hommes qui venaient s'offrir à chaque navire comme officiers ou simples marins.
Les témoignages de ce genre démontrent le fait que tous les corsaires ne provenaient pas de la côte. Il est cependant assez difficile de trouver des corsaires sur les registres de décès de l'intérieur de la province. Parmi ces derniers, nous citerons Antonio de Aguirre, d'Abaltzisketa; Juan de Zuriarrain ou Miguel de Gorostegui d'Amezketa; José de Goicoechea d'Ataun et Ignacio de Bengoechea de Tolosa, entre autres.
A partir de 1660 les navires corsaires de Donostia-Saint Sébastien et d'Hondarribia se présentèrent dans les ports de Galice pour les utiliser comme base pour leurs expéditions corsaires vers l'Angleterre, la Manche et l'Irlande, car ces ports étaient mieux communiqués avec ces eaux que les ports basques.
Et il en fut ainsi jusqu'à la signature de la paix avec la France. Comme au XVIème siècle, le Gipuzkoa et le Labourd signèrent à nouveau une concorde en 1652, selon laquelle ils établissaient les règles du jeu des corsaires. D'après celles-ci, ils ne pouvaient s'emparer d'aucune nef appartenant à l'autre zone qui viendrait dans leur port. Par ailleurs, les corsaires des deux côtés pouvaient continuer leurs forfaits et s'attaquer mutuellement sans que la trève en fusse violée pour autant. L'accord fut approuvé par les Conseils de Guerre espagnol et français, et son application ordonnée et confirmée en 1667, 1675 et 1694.
93. Côte basque. © Joseba Urretabizkaia
94. Le terme boucanier vient de "boucan", viande fumée élaborée aux Antilles. (Dessin de P. Tillac).
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"La terreur de la Grande Bretagne"
Après avoir signé la paix avec la France, les corsaires basques tournèrent leur regard vers l'Angleterre.D'après Camino, pendant la décennie de 1650 à 1660, "les fameux corsaires de Saint Sébastien semèrent la terreur sur les mers, effrayant toute la puissance maritime de la Grande Bretagne". Pour sa part, Antonio de Oquendo affirme que "l'effroi que l'Angleterre ressentait des frégates de Saint Sébastien et de Pasajes fut l'un des motifs qui l'obligèrent à souhaiter la paix".
Afin de mieux comprendre cette crainte de Saint Sébastien, el existe l'information donnée par le Consulat de Saint Sébastien, qui assurait que..."en 1656 il y avait dans les ports de cette ville cinquante-six navires appartenant aux ressortissants de cette ville et de la province, qui combattaient les ennemis de la Couronne, et qui faisaient constamment subir de grands dommages à la navigation et au commerce d'Angleterre, ayant obligé ce Royaume à faire la paix".
C'est dans cette ligne qu'opéra Fermin de Alberro, qui en 1684 se situa à la hauteur du Pays de Galles pour y attendre et aborder un navire de Bristol à destination de Bilbao chargé de plomb, de tissus et de plans. Ce navire rentra vide dans la capitale de Biscaye, tandis que son chargement fit son entrée au port de Saint Sébastien parmi la joie des habitants que prenaient part à ces nouveautés.
Les Corsaires aux Indes
Comme au XVIème siècle, le XVIIème connut aussi les attaques anglaises et françaises devant la faiblesse de la flotte espagnole, frappée d'autres malheurs: la contrebande exercée par les premiers ainsi que les attaques des boucaniers établis à plusieurs endroits des Caraïbes, surtout à l'île de la Tortue, qui étaient aidés par les Anglais et les Hollandais de ces colonies et qui furent le cauchemar des riches établissements des Antilles et des navires qui se livraient au commerce entre les colonies. Le nom de boucaniers provenait de "boucan", la viande fumée de boeuf, salée et dessechée, qu'ils élaboraient.La réponse de l'Espagne au problème de la contrebande aux Caraïbes fut la concession de lettres de marque aux corsaires qui patrouillaient le litoral de la colonie et qui arrêtaient tous les navires étrangers suspects. Les bateaux et l'artillerie saisis passaient à la flotte espagnole afin de défendre les colonies. Plusieurs Basques vont se distinguer contre les corsaires et les pirates des Indes Occidentales.
Tomás de Larraspuru
Tomás de Larraspuru, natif d'Azkoitia, qui fut promu au grade d'amiral, arriva aux Antilles en 1622 à la tête de quatorze galions et de deux pataches, afin de nettoyer ces îles d'ennemis. Depuis l'île Marguerite, il parcourut toute la mer des Caraïbes, élimina des petites îles les repaires des contrebandiers anglais et français, et réunit les flottes de la Nouvelle Espagne et de la Terre Ferme. Une année plus tard, il rentrait en Espagne avec un trésor de près de treize millions en lingots d'or et en fruits, avec la réputation d'être le meilleur de tous les généraux qui commandaient l'escadre. Il mourut dix ans plus tard.Michel le Basque
Après la mort de Larraspuru, les Hollandais, grâce à leur puissance navale, vinrent à bout de la suprématie espagnole aux Caraïbes, laissant les Antilles à la merci des attaques étrangères.Parmi ces derniers, nous ne pouvons passer sous silence Michel le Basque, de Saint Jean de Luz. Il s'installa su cours de la seconde moitié du XVIIème siècle à l'île de la Tortue, et s'associa à un autre boucanier, "Olonés", avec lequel il effectua quelques attaques. Il s'empara d'abord d'un galion au port de Porto Bello, avec un splendide butin. Quelques années plus tard, en 1666, il décida d'attaquer le port de Maracaïbo, qui avait un commerce très actif et était défendu par deux-cents cinquante hommes et quatorze canons. Il réussit à le saccager et fit fuir la population. Il s'appropria des ornements ecclésiastiques dans l'intention de les destiner à l'église qu'il souhaitait fonder à la Tortue. Il revint l'année suivante à Maracaïbo avec quarante hommes uniquement, la mit à sac et s'empara d'une somme importante.
95. Michel le Basque.© Joseba Urretabizkaia
Quelques années plus tard, le gouverneur de Carthagène voulut éliminer tous les pirates de cette zone et y envoya une petite flotte. Mais il suffit à Michel le Basque d'une paire de brigantins pour s'emparer des navires du gouverneur et pour les lui rendre avec toute sa gratitude.
Le navire de Michel le Basque était le frégate "La Providence", construite à Saint Jean de Luz. Elle était équipée de seize canons et près de quarante hommes, y compris Michel le Basque et le capitaine Larralde.
Le navire de Michel le Basque était le frégate "La Providence", construite à Saint Jean de Luz. Elle était équipée de seize canons et près de quarante hommes, y compris Michel le Basque et le capitaine Larralde.
Une flotte du Gipuzkoa met le cap sur l'île de la Tortue
Pendant des années, le problème des attaques pirates aux Indes resta sans solution.En 1685 des armateurs du Gipuzkoa préparèrent une flotte de frégates pour aller à l'encontre des corsaires des Indes, comme il figure aux Archives Générales des Indes, dans un dossier que me procura José Garmendia.
Il s'agissait d'un contrat signé avec les armateurs du Gipuzkoa pour préparer une flotte contre les pirates anglais qui pullulaient aux Indes. L'Assemblée de la Guerre aux Indes arriva à un accord avec les armateurs du Gipuzkoa pour construire une flotte à cet effet. Ces armateurs, qui étaient de Saint Sébastien et d'Hondarribia, nommèrent le comte de Canalejas amiral de l'escadre et trois religieux de l'ordre de San Telmo eurent une place dans la flotte, car "la plupart ne comprennent pas la langue castillane".
Cette flotte fut rapidement construite au chantier naval d'Anoeta, à Saint Sébastien. Elle comprenait le vaisseau capitaine "Nª Sª del Rosario y Animas", de deux-cents cinquante tonnes et trente-quatre canons, le vaisseau amiral "San Nicolas de Bari", de cent-quarante tonnes, et les pataches "San Antonio" et "Santiago". Au total, quatre-cents soixante-dix hommes.
Dans les eaux territoriales américaines, quelques hommes s'enfuirent et ils se virent dans la nécessité de vendre une frégate. La lutte contre les corsaires anglais eut lieu à l'île de la Tortue avec un cotre et un petit bateau.
Mais apparemment l'escadre ne réunissait pas les conditions nécessaires pour un tel combat et les marins n'étaient pas convenablement préparés. Nous n'avons que très peu d'information sur cette flotte, ce qui aurait pu nous permettre de savoir ce qui leur arriva.
96. Carte de l'île de la Tortue.
© Joseba Urretabizkaia
© Joseba Urretabizkaia
97. Catalina de Erauso, portrait peint par F. Pacheco. "La monja alférez" ("la nonne porte-drapeau", Saint Sébastien, 1592), fut l'un des quatre survivants du navire "Jesús María", vaisseau amiral espagnol qui, au cours de la bataille de Cañete (1615) au large des côtes du Chili, fut coulé par l'escadre du corsaire allemand Georg von Spilberg, engagé par les hollandais..
© Joseba Urretabizkaia
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